Histoires d'oeufs, histoires d'eau

Ils sont petits (0,6 mm de long), noirs, fusiformes, et annoncent des lendemains qui déchantent : les œufs du moustique tigre sont bien difficiles à voir, et pourtant ils sont pondus dans une multitude de récipients, dans nos jardins ou nos terrasses.

La majorité des œufs de moustique tigre sont pondus sur la paroi verticale du récipient, en moyenne entre 8 et 10 mm au-dessus du niveau de l’eau (figure A). Les œufs sont toujours pondus dans un récipient en eau ou très humide, car les œufs ne deviendront résistants au sec que 20 à 40 heures après leur ponte, grâce au développement de la cuticule séreuse. Sans cette dernière, les œufs s’assèchent et meurent en quelques minutes. A contrario, une fois la cuticule séreuse formée, les œufs pourront survivre plusieurs mois au sec. La montée du niveau de l’eau ou l’humidité ambiante déclenchera l’éclosion des œufs.

Une minorité (<10%) d’œufs d’Aedes albopictus sont pondus directement sur l’eau, lorsque le support ne convient pas à la mère (figure B). Vous ne les verrez pas flotter longtemps, car eux aussi trouveront ensuite un support auquel adhérer (mus par la tension de surface de l’eau ou l’asséchement du gîte).

C’est une adaptation de la coquille (« chorion ») de l’œuf qui permet à l’œuf d’adhérer à n’importe quelle surface. La couche extérieure de la coquille (« exochorion ») a la propriété de se ramollir et de former une gélatine appelée pulpe chorionique (« chorionic pad » en anglais) : une fois sèche, cette pulpe chorionique deviendra un ciment qui collera solidement l’œuf au support.

Pouvoir adhésif et résistance au sec sont les 2 qualités intrinsèques de l’œuf d’Aedes albopictus, à l’origine de la présence du moustique tigre en Europe : les œufs pondus à l’intérieur des pneus usés ont ainsi pu être transportés par l’Homme sur de longue distance, et l’espèce a colonisé de nouveaux continents. Le fameux gag du sparadrap d’Hergé, version pas drôle…